L’accord actuel expire lundi prochain. Sur les 138 licences pour les Européens pêchant dans les eaux sahraouies, 93 sont pour les Espagnols, mais seulement 19 sont actives et ces bateaux seront paralysés ce jour-là.
publico.es- « Nous avons des inquiétudes fondées. Nous avons l’impression que l’Espagne tente d’approfondir les accords illégaux entre l’UE et le Maroc », déclare Mansur Omar, le nouveau délégué du Front Polisario auprès de l’Europe et de l’UE, depuis le siège du Parlement européen à Strasbourg.
Une délégation de représentants sahraouis, accompagnée par les députés européens Manu Pineda de la gauche, Ana Miranda des Verts et Andreas Schieder des sociaux-démocrates, s’est rendue au cœur de l’UE pour mettre en garde contre les accords commerciaux illégaux que le bloc européen et Rabat ont scellés et mis en œuvre depuis des années, au détriment des ressources du Sahara occidental et en violation de plusieurs arrêts de la Cour européenne de justice.
« L’implication de l’UE dans ces accords illégaux est un moyen d’injecter des fonds au Maroc. Et le Maroc est en guerre contre nous. Il finance la guerre et le blocage par le Maroc de la solution pacifique que l’ONU réclame depuis 30 ans », déclare M. Omar.
Une date a été fixée sur le calendrier : le 17 juillet, date d’expiration de l’accord de pêche. « Nous demandons qu’aucun subterfuge ne soit recherché pendant la présidence espagnole pour prolonger cet accord », prévient le Sahraoui. A partir de ce jour, les navires européens perdront le pouvoir de pêcher dans les eaux du Sahara Occidental, où plus de 90 pour cent de toutes les prises couvertes par l’accord avec les Marocains sont produites.
Sur les 138 navires européens pêchant dans les eaux sahraouies, 93 sont espagnols. « Je souhaite aux pêcheurs espagnols un accord qui soit bénéfique pour eux et pour le Sahara. Mais cela n’est possible que s’il est signé avec le Front Polisario », prévient M. Pineda.
Cette impasse devrait se poursuivre jusqu’à l’arrêt final de la Cour de justice de l’UE (CJUE), qui devrait intervenir à la fin de cette année ou au début de l’année prochaine. En septembre 2021, la Cour de Luxembourg a statué dans un arrêt historique que ces accords étaient illégaux parce qu’ils n’avaient pas été approuvés par le représentant légal du peuple sahraoui, à savoir le Front Polisario.
Mais le Conseil de l’UE, sous la forte pression de l’Espagne, a interjeté appel, ce qui a permis de maintenir le statu quo jusqu’à la nouvelle décision.
Il y a quelques mois, le gouvernement espagnol, dirigé par Pedro Sánchez, a opéré un tournant historique au Sahara, en soutenant les aspirations et les visions du royaume alaouite. Une position qui a suscité un certain malaise et des divisions dans les rangs des sociaux-démocrates européens. L’eurodéputé autrichien Andreas Schieder (S&D) et président de l’Intergroupe de Solidarité avec le Sahara, a réitéré à Strasbourg sa solidarité et son soutien à l’indépendance du peuple sahraoui, occupé depuis 30 ans par le royaume alaouite. « Nous critiquons vivement l’accord de pêche qui a aidé le Maroc à utiliser les ressources sahraouies et que la CJUE a déjà déclaré illégal », a-t-il souligné.
Des sources diplomatiques haut placées ont déclaré il y a quelques jours qu’elles ne craignaient pas de « représailles » de la part du Maroc si la Cour de justice européenne mettait définitivement fin à ces accords sans le consentement du Front Polisario. Le Maroc s’est affirmé comme un partenaire et un allié privilégié de l’Espagne et de l’UE, en grande partie parce qu’il détient la clé de la migration. Une carte qu’il n’a pas hésité à utiliser dans les moments de pression et de tension, comme ce fut le cas lors de la crise de Ceuta il y a deux ans. Mais pendant ce temps, la liste noire de Rabat n’a fait que s’allonger. L’enquête Pegasus fait état de l’infiltration du personnel de Mohammed VI à Bruxelles et dans les capitales, accédant aux téléphones portables de différents dirigeants, dont Pedro Sánchez. Le scandale du QatarGate l’a également placé sous les feux de la rampe pour des faits présumés de lobbying et de corruption visant à influencer le processus décisionnel européen.
Présidence espagnole de l’UE
L’Espagne a pris la présidence tournante du Conseil de l’UE le 1er juillet. Les députés européens de gauche et le peuple sahraoui craignent que l’Espagne n’utilise cette position de pouvoir pour jouer des tours. La Commission européenne a confirmé à ce journal il y a quelques semaines qu’elle ne menait pas de négociations parallèles avec le Maroc pour établir un accord ad hoc pendant les mois d’impasse qui s’annoncent. « Si Luis Planas (ministre de l’agriculture), l’un des promoteurs de l’appel, est tenté d’utiliser la présidence espagnole pour signer un nouvel accord illégal ou illégitime, il nous aura en face de lui avec tous les moyens dont il dispose, sans aucune limitation », a déclaré M. Pineda.
M. Planas a récemment rencontré son homologue marocain, Mohammed Siddiqi. « Nous avons convenu de demander à la Commission européenne de poursuivre l’évaluation technique de l’accord avec le Royaume du Maroc afin de reprendre les négociations dès que possible et de parvenir à un nouveau protocole », a-t-il déclaré dans des propos rapportés par Europa Press. Le gouvernement a l’intention d’annoncer une aide pour tous les navires affectés par l’expiration de l’accord dans les heures ou les jours à venir.