Coïncidences et événements parallèles sur la question de l’accord de pêche UE-Maroc

PUSL – Isabel Lourenço

1- Accord de pêche UE-Maroc et décision de la Cour

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) doit annoncer sa décision le lundi 17 juillet concernant le recours introduit par plusieurs pays européens contre l’arrêt de la CJUE sur l’accord de pêche entre l’UE et le Maroc. L’arrêt stipule que la pêche dans les eaux sahraouies sans le consentement du représentant légitime du peuple sahraoui, le Front POLISARIO, est illégale.

La décision de la Cour a porté un coup à l’UE et au Maroc, bien que ces derniers aient fait appel de la décision. Josep Borrell, Haut représentant de l’UE pour la politique étrangère, et Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères du Royaume, avaient précédemment exprimé leur engagement à travailler ensemble dans le calme afin de restaurer l’accord.

2- Développements parallèles et préoccupations de souveraineté

Depuis la publication de l’arrêt de la CJUE le 19 juillet, qui a clairement établi que le Maroc n’a pas de souveraineté sur le Sahara Occidental et que l’accord de pêche de l’UE ne peut donc pas être appliqué au territoire, divers développements parallèles ont eu lieu parallèlement à l’appel contre l’arrêt.

Le commissaire européen à l’environnement, aux océans et à la pêche, Virginijus Sinkevičius, a déclaré lundi 10 juillet que malgré les défis, la Commission européenne reste déterminée à prolonger l’accord de pêche entre le Maroc et l’UE, qui doit expirer le 17 juillet.

« Nous voulons le renouveler dès que possible, mais nous avons d’abord besoin d’une clarification de la part de la Cour (…) Nous sommes dans une situation difficile en raison de la décision de la Cour », a déclaré le commissaire.
« Le verdict que la Cour de justice de l’Union européenne va rendre complique la situation en général », a-t-il ajouté dans des déclarations à la presse, soulignant qu’il était en « dialogue constant » avec les parties concernées.

Par ailleurs, le ministre espagnol de la pêche, Luis Planas, a déclaré lundi qu’une aide financière serait accordée aux professionnels contraints de cesser leurs activités dans les eaux marocaines après le 17 juillet. Il a fermement rejeté l’idée que le Front Polisario puisse tenter de négocier des licences de pêche dans les eaux méridionales du Maroc, affirmant que « l’accord de pêche est conclu entre le Maroc et l’Union européenne, et que ce sont les parties concernées par le renouvellement ».

Dans l’attente de l’appel, Sinkevičius souligne l’importance capitale de rétablir cette union et exprime l’espoir que la cour revienne sur sa position. « L’arrêt de la CJUE a maintenu, en cas de recours, les effets des décisions du Conseil jusqu’à ce que la Cour ait statué sur les recours. Par conséquent, la mise en œuvre des accords se poursuivra pendant cette période. Toutefois, le résultat final dépendra naturellement du verdict final de la Cour de justice sur les recours », a précisé le commissaire.

Cependant, la volonté de l’UE de rétablir les accords soulève des inquiétudes car elle implique la reconnaissance officielle de la souveraineté du Maroc sur le territoire du Sahara occidental, ce qui contrevient de manière flagrante au droit international et à la décision de la Cour. Sinkevičius, le commissaire lituanien, a exprimé son point de vue en termes diplomatiques, déclarant, « La position de l’UE sur le Sahara occidental est guidée par les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, et il est un fait que le Sahara occidental est un territoire non autonome, avec son statut final à déterminer par le résultat du processus en cours dirigé par l’ONU. »

[1]https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=204281&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=1073671

2 https://www.nato.int/cps/en/natohq/news_216763.htm

3- Le ciblage préjudiciable des ressources mauritaniennes par l’UE

Le premier accord de pêche entre l’UE et la Mauritanie date de 1987. Le nouvel accord est appliqué provisoirement depuis novembre 2021 et est prévu pour durer jusqu’en novembre 2027.

Le renouvellement de cet accord est intervenu presque en même temps que l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne.

En décembre 2022, à la suite d’une rencontre avec le ministre mauritanien de la pêche et de l’économie maritime, M. Mohamed Ould Abidine Ould Maiyif, le commissaire européen à l’environnement, aux océans et à la pêche, M. Virginijus Sinkevičius, a fait part de ses préoccupations concernant  » le manque de professionnalisme des marins mauritaniens, en particulier en ce qui concerne la sécurité maritime.  »

Cette déclaration est importante car elle préfigure la situation difficile dans laquelle se trouvent les pêcheurs mauritaniens et qui a été observée dans d’autres pays lorsque l’UE prend le contrôle des eaux avec ses propres navires de pêche, ce qui entraîne le chômage et le harcèlement des populations locales. Ces actions sont souvent justifiées sous le couvert de la « protection de l’environnement » par les règles européennes, auxquelles les pays concernés n’ont pas les moyens de se conformer, ce qui favorise les grands bateaux de pêche européens.

Ces dernières années, l’Union européenne a manifesté un regain d’intérêt pour la Mauritanie dans divers domaines. Cet intérêt s’est traduit par des subventions de recherche substantielles dépassant 1 million d’euros de la part de l’ERC, de nombreuses visites de dirigeants européens en Mauritanie et des partenariats établis avec la police espagnole et l’OTAN.

En outre, le gouvernement mauritanien a récemment pris des mesures pour libéraliser le marché des médias privés. L’agence de presse et des médias de Mauritanie a annoncé que la date limite pour soumettre une demande de licence pour l’ouverture d’une chaîne de télévision est le 14/07/2023. Selon des blogueurs mauritaniens, parmi les offres reçues figure une proposition de chaîne de télévision pro-marocaine.

Par ailleurs, le 26 juin 2023, le général Dah Sidi Mohamed El Agheb, commandant de l’Académie militaire interarmées de Mauritanie, a effectué une visite au siège de l’OTAN. Au cours de sa visite, il s’est entretenu avec plusieurs représentants des États membres de l’OTAN, ainsi qu’avec des membres du Secrétariat international et de l’État-major militaire international de l’OTAN. Les discussions ont porté sur les possibilités de renforcer la coopération entre l’OTAN et la Mauritanie.

Dans le cadre de la lutte contre la traite des êtres humains, la police espagnole, la Guardia Civil et la police maritime sont présentes en Mauritanie et participent activement à la supervision et à l’amélioration des ports mauritaniens.

Par ailleurs, le ministre portugais des affaires étrangères, João Gomes Cravinho, a effectué une visite au Sénégal, en Gambie et en Mauritanie du 12 au 15 avril.

La délégation portugaise, qui accompagnait le ministre João Gomes Cravinho, était composée du secrétaire d’État à la mer, José Maria Costa, et de la secrétaire d’État à la pêche, Teresa Coelho.

Au cours de sa visite, le ministre des Affaires étrangères a également visité le port de Bargny-Sendou, où une entreprise portugaise supervise la construction de deux terminaux. Il a également visité le centre de langue portugaise de l’université Cheikh Anta Diop.

Dans le cadre de ce voyage sur le continent africain, le ministre portugais des Affaires étrangères a tenu des réunions avec ses homologues dans les capitales de la Gambie et de la Mauritanie. À Banjul et à Nouakchott, les discussions ont porté sur l’état des relations bilatérales et l’échange de perspectives sur des questions régionales et internationales importantes, notamment la situation au Sahel et la sécurité maritime.

3 https://www.portugal.gov.pt/pt/gc23/comunicacao/comunicado?i=ministro-dos-negocios-estrangeiros-desloca-se-ao-senegal-a-gambia-e-a-mauritania

4- Le Sahara Occidental et la tactique trompeuse des Joint Ventures de Pêche

La conférence annuelle de l’Anacef, l’Association Nationale Espagnole des Propriétaires de Navires Congélateurs pour la Pêche aux Céphalopodes, s’est tenue le lundi 11 juillet à Casa África aux îles Canaries. L’événement a vu la participation de représentants de diverses entités, dont le gouvernement espagnol, la Guinée Bissau, la Guinée Conakry, le Maroc, la Mauritanie, le Cabo Verde, le Sénégal, etc.

Comme rapporté par Canarias7, le directeur de la Commission mixte de pêche hispano-marocaine, Kamal Bennouna, a souligné lors de la conférence que les entreprises européennes, y compris celles d’Espagne et des îles Canaries, ont la possibilité d’établir des joint-ventures comme un moyen de soutenir les activités de pêche dans les zones de pêche marocaines, y compris au Sahara occidental, en l’absence d’un accord.

Selon Bennouna, l’établissement de joint-ventures au Maroc, en conformité avec la réglementation du pays, permet aux entreprises d’acquérir des licences de pêche en battant le pavillon national. Cela permet d’accéder aux zones de pêche sans se soucier de la présence ou de l’absence d’un accord, puisque l’exploitation de ces navires est garantie, comme l’indique Bennouna : « Cela nous permet d’accéder aux zones de pêche sans nous soucier de la présence ou de l’absence d’un accord, puisque l’exploitation de ces navires est garantie ».

En outre, un autre avantage mérite d’être pris en considération : 80 % des captures des sociétés mixtes sont exportées vers l’Union européenne, ce qui constitue une garantie pour la vente des marchandises.

Bennouna précise qu’actuellement, trois sociétés mixtes à capitaux canariens opèrent dans les eaux marocaines.

5- Le facteur chinois

L’implication significative du gouvernement chinois dans le secteur de la pêche au Maroc a également été soulignée. Selon Bennouna, leur approche diffère de celle de l’Union européenne : « Les Chinois n’ont pas négocié d’accord de pêche dès le premier jour, mais ont opté pour des joint-ventures ». M. Bennouna a souligné que ces entreprises chinoises exploitent actuellement plus de 100 navires de haute mer dans le pays.

Se faisant l’écho de sentiments similaires, Henrique Silva, le représentant de la pêche de la Guinée-Bissau, a souligné qu’alors que l’Europe fournit un soutien financier aux secteurs public et sectoriel par le biais de l’accord signé, la Chine suit une approche différente en n’offrant pas de compensation. Au lieu de cela, la Chine opte pour des licences de pêche, qui sont plus chères que celles payées par la flotte européenne. En outre, la Chine s’occupe de l’infrastructure du pays sans aucune charge.

6- La coopération Angola-Maroc et la question sahraouie

La zone économique exclusive (ZEE) du Sahara occidental est située entre les eaux du Maroc et de la Mauritanie. Les bateaux européens traverseront le Maroc, la Mauritanie et les pays de la côte ouest-africaine, avec la zone de pêche du Sahara Occidental entre les deux. Au cours de ces voyages, il n’est pas certain que les bateaux se livrent à des activités de pêche dans la ZEE sahraouie. Par conséquent, le poisson capturé peut être déchargé dans des ports situés dans n’importe lequel de ces pays tiers.

Cette semaine a vu une augmentation notable des accords entre le Maroc et d’autres pays africains qui ne sont pas ses partenaires traditionnels.

Selon l’agence de presse officielle MAP, le Maroc et l’Angola ont signé à Rabat, la capitale du Maroc, des accords visant à renforcer la coopération bilatérale dans divers domaines.

L’Angola, largement reconnu pour son soutien indéfectible au droit du peuple sahraoui à la liberté et à la souveraineté, a récemment conclu des accords de coopération avec le Maroc à Rabat. Ces accords couvrent de multiples secteurs, notamment la diplomatie, l’éducation, la recherche scientifique, le tourisme, la justice, l’exploitation minière et les hydrocarbures. La signature a eu lieu lors de la 3ème réunion de la Commission mixte de coopération maroco-angolaise et a impliqué le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita et son homologue angolais Tete Antonio.

Le ministre des Affaires étrangères Tete Antonio a affirmé que l’Angola s’engageait à collaborer avec le Maroc pour maintenir la paix et la sécurité en Afrique, ainsi que pour promouvoir les relations Sud-Sud, dans l’intérêt des deux pays et du continent africain dans son ensemble.

Il serait pertinent de demander si la vision du Ministre Antonio pour la coopération inclut la question de l’occupation illégale du Sahara Occidental ou non.

Il convient de noter que la Guinée Bissau, la Guinée Conakry, et d’autres pays le long de la côte ouest-africaine ont établi des consulats dans le territoire occupé du Sahara occidental avec l’attente d’avantages réciproques.

4 https://www.facebook.com/Anacef43

5 https://www.canarias7.es/economia/barcos-500-pescadores-islenos-vararan-proximo-lunes-20230713230912-nt.html

6 https://www.telesurenglish.net/news/Morocco-and-Angola-Sign-Cooperation-Agreements-20230712-0003.html

7- Coopération mauritano-marocaine dans le domaine de l’exploitation des barrages

Le ministère mauritanien de l’hydraulique et de l’assainissement a annoncé une coopération avec le Maroc dans le domaine de l’exploitation des barrages. Dans une récente publication sur son site web, le ministère a révélé qu’une délégation marocaine, composée d’ingénieurs et de techniciens, visitera le barrage de Seguellil dans l’Adrar et le barrage de Foum Gleïta dans le Gorgol.

L’objectif de cette visite est de proposer des mécanismes qui faciliteraient l’utilisation future de ces deux barrages. Cependant, étant donné que la Mauritanie ne partage pas de frontière directe avec le Maroc et qu’elle devrait passer par le Sahara occidental ou l’Algérie pour établir une connexion, la nature exacte de ces mécanismes reste incertaine.

Il est important de reconnaître que l’arrêt de la Cour européenne ne peut à lui seul sauvegarder suffisamment les intérêts du peuple sahraoui. Ceux qui cherchent à exploiter et à piller les ressources du territoire occupé peuvent s’aligner sur le Maroc, en fournissant un financement direct ou indirect pour soutenir cette occupation brutale. Ces exploiteurs et occupants font preuve d’un mépris pour le droit national et international, cherchant constamment des moyens de contourner tout inconvénient qu’ils pourraient rencontrer.

Conclusion:

Le texte explore divers sujets interconnectés liés à l’accord de pêche UE-Maroc, au Sahara Occidental, aux joint-ventures dans le domaine de la pêche, et à la coopération entre les pays. L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne sur l’accord de pêche a mis en évidence la nature illégale de la pêche dans les eaux sahraouies sans le consentement du Front POLISARIO. Malgré cet arrêt, l’UE et le Maroc ont fait appel et ont exprimé leur souhait de rétablir l’accord.

Des événements parallèles se sont déroulés, notamment des discussions sur l’extension de l’accord de pêche, des préoccupations concernant la reconnaissance par l’UE de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental et l’implication d’autres pays dans la région. Les entreprises conjointes de pêche dans les eaux marocaines, y compris au Sahara occidental, ont attiré l’attention, les entreprises européennes et chinoises adoptant des approches différentes.

Le texte aborde également la coopération mauritanienne-marocaine dans l’exploitation des barrages, qui soulève des questions sur les mécanismes et le lien territorial. Des inquiétudes persistent quant à l’exploitation des ressources, au contournement du droit international et à la protection des intérêts du peuple sahraoui.

Dans l’ensemble, les sujets couverts par le texte démontrent la complexité de la question de l’accord de pêche UE-Maroc, l’importance du statut du Sahara Occidental, et l’interconnexion des différents facteurs politiques, juridiques et économiques dans la région.

7 https://fr.saharamedias.net/cooperation-mauritano-marocaine-dans-le-domaine-de-lexploitation-des-barrages/

 

POR UN SAHARA LIBRE .org - PUSL
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