Le Maroc tirera-t-il les leçons de l’occupation indonésienne du Timor oriental ? Réalisera-t-il que la marche du peuple du Sahara occidental vers la liberté est inarrêtable ?
Omar Mih 4 août 2023, publico.pt .- L’article publié par l’ambassadeur du Maroc au Portugal en réponse à l’article « Le gouvernement et le Sahara occidental – un cas d’incohérence », par le Dr José Manuel Pureza, est un excellent exemple de désinformation et de mensonges purs. Il montre également que l’ambassadeur en question ne sait pas séparer la réalité de la fiction. Les similitudes historiques, juridiques et politiques entre le cas du Sahara occidental (auquel l’ambassadeur donne un autre nom, non reconnu par les Nations unies) et le Timor oriental sont évidentes. Il n’est pas surprenant que les similitudes entre ces deux cas aient été soulignées par de nombreux experts et analystes à travers le monde.
Dans sa réponse, l’ambassadeur marocain invoque, de manière erratique et totalement trompeuse, quelques éléments « géographiques », « ethno-sociologiques », « historiques », « juridiques » et « politiques » pour démontrer que le Sahara Occidental n’est pas géographiquement et ethniquement différent et distinct du Maroc.
L’espace ne permet pas d’analyser chacun de ces éléments. Il suffit de souligner que les décisions rendues par la Cour internationale de justice (CIJ) en 1975 et par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en 2016 confirment que le Sahara occidental est un territoire « séparé et distinct » du Maroc. L’arrêt de la CIJ a statué sans équivoque que « les pièces et informations dont elle dispose n’établissent aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara occidental et le Royaume du Maroc ou l’entité mauritanienne ». La décision de la CIJ a donc confirmé que les revendications marocaines sur le Sahara occidental, prétendument basées sur des liens historiques, ethniques et culturels, n’ont aucune base factuelle ou juridique.
La prétendue contiguïté géographique et les similitudes ethniques et culturelles entre un pays donné et ses voisins ne justifient jamais l’occupation forcée de l’un d’entre eux par ce pays, et ne peuvent être évoquées comme argument, car cela remettrait en cause tout l’équilibre et les fondements sur lesquels repose notre monde contemporain. Ce sont d’ailleurs ces mêmes « arguments » que l’Indonésie a utilisés pour tenter de justifier son occupation du Timor-Oriental en décembre 1975, en faisant appel, entre autres, aux anciens royaumes de Srivijaya et de Majapahit. L’Irak a également utilisé le même argument « historique » pour envahir le Koweït en 1990.
L’ambassadeur affirme que c’est le Maroc qui a présenté la question du Sahara Occidental à la 4ème Commission de l’Assemblée Générale. Les archives officielles de l’Assemblée générale de l’ONU démentent cette affirmation. Il suffit de rappeler la 1506ème réunion de la Quatrième Commission de l’ONU, tenue à New York le 9 décembre 1963, au cours de laquelle le représentant marocain a officiellement exprimé son opposition à la décision de l’Espagne de reconnaître le Sahara espagnol comme un territoire non autonome et d’accepter de transmettre des informations sur le territoire, conformément à l’article 73(e) de la Charte de l’ONU.
Le fait que le Maroc ait revendiqué le Sahara occidental dans les années 1960 ne lui donne aucun crédit pour avoir soulevé la question à l’ONU. Mais le Maroc peut se féliciter (ce qui s’est avéré plus tard être un embarras) d’avoir mis « le problème de la Mauritanie » à l’ordre du jour de la 50ème session de l’Assemblée générale en 1960, sur la base de l’affirmation que le Maroc avait des droits légitimes sur la Mauritanie.
Outre l’occupation illégale du Sahara occidental, le Maroc a également attaqué l’Algérie en octobre 1963 et l’Espagne (île de Perejil) en juillet 2002, toujours dans la poursuite de ses ambitions coloniales et de ses rêves expansionnistes.
L’ambassadeur du Maroc soutient que le Timor a été placé par l’ONU sous le chapitre VII de la Charte des Nations Unies, alors que le Sahara Occidental a été placé sous le chapitre VI. Il est bien connu que de 1960 jusqu’à la reconnaissance de son indépendance en 2002, le Timor a été inclus dans la liste des territoires non autonomes de l’ONU, tout comme le Sahara occidental a été inclus dans la même liste depuis décembre 1963.
Le fait que l’ambassadeur tente de cacher, soit délibérément, soit par pure ignorance, est que le Timor-Oriental n’a été traité sous le chapitre VII qu’après le référendum tenu le 30 août 1999 sous la supervision de l’ONU. Les opérations de maintien de la paix INTERFET et ATNUTO ont été créées par le Conseil de sécurité sous le chapitre VII en septembre et octobre 1999, respectivement, précisément pour faire face aux violences commises par les milices anti-indépendance créées et dirigées par l’armée indonésienne.
L’ambassadeur du Maroc affirme que le secrétaire général des Nations unies a conclu dans son rapport (S/2000/131) que « l’accord était inapplicable », ce qui est une déclaration trompeuse. C’est le Maroc qui a bloqué la mise en œuvre du Plan de règlement, qui a été mutuellement accepté par les deux parties en 1988 et approuvé à l’unanimité par le Conseil de sécurité en 1990 et 1991. Plus précisément, au paragraphe 48 de son rapport (S/2002/178), soumis au Conseil de sécurité le 19 février 2002, le Secrétaire général des Nations Unies déclare que « le Maroc a exprimé sa réticence à poursuivre le Plan de règlement ». Le processus de paix au Sahara Occidental n’a pas progressé simplement parce que le Maroc craignait que tout référendum libre et démocratique, basé sur des électeurs déterminés par l’ONU, conduise à l’indépendance du Sahara Occidental.
L’ambassadeur marocain se réfère aux résolutions du Conseil de sécurité et prétend faussement qu’elles reconnaissent la « prépondérance » des efforts du Maroc. Il s’agit d’une déformation du langage des résolutions du Conseil de sécurité, y compris la résolution 2654 (2022), qui appellent à « une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, permettant l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ».
Cela signifie qu’aucune solution ne peut être juste ou durable si elle ne permet pas le droit inaliénable du peuple du Sahara Occidental à l’autodétermination, qui ne peut être exercé qu’à travers un processus crédible, démocratique et authentique sous la supervision de l’ONU.
La soi-disant « proposition d’autonomie » marocaine, outre son illégalité, émane d’un régime autoritaire qui ne cherche qu’à légitimer son occupation forcée de certaines parties du Sahara Occidental.
En effet, il existe des parallèles frappants non seulement entre les cas du Sahara occidental et du Timor oriental, mais aussi entre le Maroc et l’Indonésie.
Il n’est pas étonnant que le Maroc répète les mêmes déclarations à l’ONU et ailleurs. En effet, l’histoire se répète, et ce que nous voyons aujourd’hui au Sahara occidental occupé nous rappelle le Timor oriental sous occupation indonésienne
Le Maroc, tout comme l’Indonésie, a voté contre les résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies sur le Timor-Oriental, à commencer par la résolution A/RES/31/53 du 1er décembre 1976, qui réaffirmait le droit du peuple du Timor-Oriental à l’autodétermination et à l’indépendance, ainsi que la légitimité de sa lutte pour l’obtention de ce droit. Par exemple, lors de la réunion de la Quatrième Commission du 26 octobre 1976, l’Indonésie et le Maroc se sont opposés à l’audition des représentants du Fretilin et du Front Polisario, respectivement.
Depuis 1976, les représentants indonésiens à l’ONU ont continué à prétendre que le peuple du Timor-Oriental avait déjà exercé son droit à l’autodétermination. En juin 1997, deux ans avant le référendum au Timor-Oriental, l’Indonésie a de nouveau déclaré devant la commission de décolonisation que « le Timor-Oriental n’est plus une question de décolonisation », après que « le peuple a opté pour l’indépendance par le biais de l’intégration à l’Indonésie ».
Il n’est pas étonnant que le Maroc répète les mêmes déclarations à l’ONU et ailleurs. En effet, l’histoire se répète, et ce que nous voyons aujourd’hui au Sahara occidental occupé nous rappelle le Timor oriental sous l’occupation indonésienne.
La lutte de libération du peuple du Timor-Oriental a finalement fait comprendre à l’Indonésie que son occupation du territoire était insoutenable et que la seule issue était de permettre au peuple du Timor-Oriental d’exercer son droit à l’autodétermination et à l’indépendance d’une manière authentique et libre. Après des décennies d’occupation et d’annexion, le Timor-Oriental est aujourd’hui un pays indépendant et souverain qui vit en paix avec ses voisins, notamment l’Indonésie. C’est aussi un pays qui entretient des relations étroites de solidarité et de coopération avec la République sahraouie (RASD).
La question est la suivante : le Maroc tirera-t-il les leçons de l’occupation indonésienne du Timor-Oriental ? Réalisera-t-il que la marche du peuple du Sahara occidental vers la liberté, sous la direction du Front Polisario, est inarrêtable et que, tôt ou tard, le peuple sahraoui gagnera sa souveraineté ?
Plus tôt le Maroc prendra conscience de cette réalité irréversible, mieux ce sera pour la paix et la sécurité dans la région.