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PUSL.- Le Conseil a adopté le 16 juillet dernier une décision sur l’extension des préférences tarifaires dans l’accord d’association avec le Maroc au Sahara occidental. Selon la Commission, la décision est conforme à l’arrêt de la Cour de justice de l’UE sur l’accord de libéralisation sur les produits agricoles et autres du 21 décembre 2016.
Pour mémoire, le 29 mai 2017, le Conseil avait autorisé la Commission à ouvrir des négociations en vue de fournir une base légale pour octroyer des préférences aux produits originaires du Sahara occidental, suite à l’arrêt rendu le 21 décembre 2016 dans l’affaire C-104/16 P , dans laquelle la Cour de justice de l’Union européenne avait jugé que l’accord d’association et l’accord de libéralisation conclus entre l’Union et le Maroc ne s’appliquaient pas au Sahara occidental.
Deux cycles de négociation ont eu lieu. Le premier s’est tenu les 15 et 16 juin 2017, le deuxième le 18 juillet 2017. Les négociateurs en chef ont paraphé le projet d’accord le 31 janvier 2018.
Cette décision est motivée selon la Commission européenne par deux objectifs principaux.
D’une part, l’accord veillerait à ce que les produits du Sahara Occidental puissent être exportés vers l’UE avec des préférences commerciales et ainsi « favoriser » le développement du Sahara Occidental. Par conséquent, de telles mesures devraient éviter que le Sahara occidental soit en situation concurrentielle défavorable, et perde ainsi des opportunités d’investissement, par rapport aux pays voisins, qui eux bénéficient de préférences tarifaires à différents titres (accords d’association ou dans le cadre du système de préférences généralisées) ».
D’autre, il devrait permettre à l’UE de renforcer son partenariat avec le Maroc. Enfin, cet accord modifié devrait montrer également « la voie à suivre pour l’accord de pêche UE-Maroc dans les mois à venir ».
Ce nouvel accord permettrait ainsi de régulariser l’application – de facto – avant le 21 décembre 2016, date de l’arrêt de la CJUE, des préférences aux produits du Sahara occidental certifiés d’origine marocaine. Aucune nouvelle préférence commerciale ne sera accordée au Maroc, ainsi qu’au Sahara occidental par rapport à celles dont il bénéficiait de fait avant le 21 décembre 2016, « l’objectif étant simplement d’étendre la zone géographique couverte par les préférences et non d’en modifier le volume ou les produits couverts par les préférences ».
Cette analyse de la Commission européenne, qui, il faut le rappeler, détient le monopole de l’initiative législative, ne répond aucunement à l’arrêt de la Cour.
Certes, la décision votée rappelle, dans ses considérants, que l’Union considère le Sahara occidental comme un territoire non autonome, et qu’elle n’a jamais reconnue une quelconque souveraineté sur le Sahara occidental.
La conclusion devrait donc être simple : le Sahara occidental ne peut faire partie du territoire du Royaume du Maroc au sens de l’article 94 de l’accord d’association. Par conséquent, les accords d’association et de libéralisation ne devraient pas lui être applicables.
Pourtant, la décision votée sur proposition de la Commission viole cette conclusion très simple et déjà induite par le raisonnement de la CJUE dans son arrêt susvisé.
La Commission détourne donc encore les règles du droit international, du moins, momentanément selon elle et dans l’attente d’un règlement du conflit dans le cadre onusien.
En limitant la portée de la modification de l’accord aux produits qui bénéficiaient déjà d’une préférence tarifaire, la Commission propose une lecture singulière et dangereuse pour au moins trois raisons.
En effet, d’une part, cette lecture reviendrait à admettre que la volonté de l’Union est d’exécuter ces accords d’une manière incompatible avec les principes d’autodétermination et de l’effet relatif des traités – alors même que L’UE rappelle de façon réitérée la nécessité de respecter ces principes.
D’autre part, l’interprétation selon laquelle le développement économique du Sahara occidental augmenterait les revenus économiques de la « population » ne ferait que renforcer l’occupation du territoire du Sahara occidental en poussant les citoyens marocains à venir s’installer en territoire occupé. Ce faisant, l’UE renforcerait l’occupation marocaine.
Enfin, cette lecture ne fait que valider la politique marocaine de violation massive des droits de l’homme des saharaouis, dans les territoires occupés, ce qui est de toute évidence contraire à la Charte des droits fondamentaux de l’UE et à l’article 6 du Traité sur l’Union européenne qui oblige les institutions à respecter les droits de l’homme “lorsqu’elles mettent en œuvre le droit de l’Union”.
A ce sujet, la Commission, dans sa proposition votée indiquait :
“De manière générale, en ce qui concerne l’impact attendu d’une extension des préférences tarifaires aux produits du Sahara occidental sur la situation des droits de l’homme dans ce territoire, il convient de raisonner par analogie avec l’effet de l’accord d’association UE-Maroc sur la situation des droits de l’homme au Maroc. Dans la mesure où l’accord encourage une convergence réglementaire vers les normes de l’Union européenne dans divers domaines, l’on constate un effet indirect positif, en ce qui concerne notamment les conditions de travail (par exemple les mesures de sécurité), la législation du travail (par exemple la protection de l’enfance), les mesures phytosanitaires ou encore la protection des consommateurs ».
Cette motivation sommaire censée répondre aux exigences de la clause sociale transversale de l’article 9, TFUE ne prend pas en compte pas les violations massives pourtant documentées par des ONG tel qu’Amnesty international ou Human Rights Watch.
Il ne fait aucun doute qu’un examen réel et détaillé de ce « sujet » aurait conduit à une toute autre conclusion.
En effet, il ressort des sources géopolitiques publiquement disponibles, que les Sahraouis vivant en territoire occupé continuent d’être la cible de répression ; que les autorités marocaines utilisent souvent une force excessive, et engagent des poursuites pénales aux motivations politiques contre les protestataires ; que ces sources mettent également en exergue la pratique de la torture et des mauvais traitements à l’endroit des militants Sahraouis placés en détention.
La Commission n’a pas non plus cru utile de s’interroger sur l’apartheid social et économique dont sont victimes les saharaouis vivant en territoire occupé ou encore sur les discriminations et violences contre les enfants saharaouis, également largement documentés.
La Commission, gardienne des Traités, ne joue plus son rôle lorsqu’il s’agit éviter de perturber « le flux des échanges commerciaux ». Les principes généraux de sécurité juridique et de confiance légitime qui exigent une certaine stabilité pour les opérateurs économiques devraient-ils permettre de valider une pratique illégale et contraire au droit international?
L’Union devrait enfin prendre exemple sur la position des Etats tels que les États-Unis d’Amérique, la République d’Islande, le Royaume de Norvège et la Confédération suisse qui considèrent que le Sahara occidental ne relève pas du champ d’application territorial des accords de libre-échange qu’ils ont conclus avec le Royaume du Maroc.
Le Conseil a transmis, en application de l’article 218 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la décision au Parlement européen, aux fins d’obtention de son accord.
Le Parlement pourra, s’il le souhaite, saisir la CJUE d’une demande d’avis, même si les conclusions de l’affaire initié par le Front Polisario sont parfaitement claires.
Enfin, il convient de souligner que l’arrêt rendu le 27 février 2018 par la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire C-266/16 concerne l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre l’Union et le Maroc, est un sujet séparé de la question de l’accès aux marchés dont il est question dans l’accord d’association et par conséquent de cette décision. Pour autant il semblerait que la Commission qui doit conduire les négociations sur mandat du Conseil aurait déjà trouver un terrain d’entente avec le Maroc, le 20 juillet dernier.
La même problématique se posera pourtant de nouveau : quand l’UE cessera t-elle d’encourager le Royaume du Maroc à violer les droits de l’homme ?